Explication de texte : M. Serres, Le contrat naturel (1990)

Publié le 10 Janvier 2024

Sebastião Salgado,  Koweit (1991)

Sebastião Salgado, Koweit (1991)

Vous expliquerez le texte suivant

Le philosophe des sciences - Demande : mais qui donc inflige au monde, ennemi objectif commun désormais, ces dommages qu’on espère encore réversibles, ce pétrole déversé en mer, cet oxyde carbonique évaporé dans l’air par million de tonnes, ces produits acides et toxiques revenus avec la pluie …, d’où viennent ces ordures qui étouffent d’asthme nos petits-enfants et qui couvrent notre peau de plaques ? Qui, au-delà des personnes, privées ou publiques ? Qui au-delà des métropoles énormes, simple nombre ou simplexe de voies ? Nos outil, nos armes, notre efficacité, notre raison enfin, dont nous nous montrons légitimement vains : notre maitrise et nos possessions.

Maîtrise et possession, voilà le maître mot lancé par Descartes, à l’aurore de l’âge scientifique et technique, quand notre raison occidentale partit à la conquête de l’univers. Nous le dominons et nous l’approprions : philosophie sous-jacente et commune à l’entreprise industrielle comme à la science dite désintéressée, à cet égard non différenciables. La maîtrise cartésienne redresse la violence objective de la science en stratégie bien réglée. Notre rapport fondamental avec les objets se résume dans la guerre et la propriété.

Michel Serres, Le contrat naturel, 1990

Méthode

■ Il s’agit de faire une explication détaillée de ce texte.

a) Pour rappel le verbe expliquer vient du latin « explicare » : déplier. Il faut déplier le texte, de la même façon que l’on met à plat une boule de papier froissé afin de voir ce qui se cache dans les pliures du texte.

b) On peut imaginer que le texte est comme une « scène de crime ». Le lecteur mène une enquête, analyse, fait parler les indices trouvés sur cette scène de crime, en les mettant en relation les uns avec les autres, afin de trouver la vérité. Il ne s’agit donc pas de faire dire au texte ce qu’il ne dit pas. Si l’on utilise des éléments extérieurs au texte il faut toujours veiller à ce qu’ils soient au service du texte, et non l’inverse.

c) Il faut éviter de recopier le texte ou de le paraphraser ou de se contenter de le citer sans l’expliquer.

L’explication est linéaire et suit rigoureusement l’ordre du texte.

 

■ Comment procéder ? Pour comprendre le texte, il faut le questionner.  Apprendre à faire une explication de texte, c’est d’abord apprendre à questionner un texte, c’est apprendre à poser les bonnes questions.

 

Remarque : Ce texte a une particularité. C’est ce que l’on appelle un fragment : il a une unité, un début et une fin. Ce n’est pas un morceau, un extrait d’un texte plus long.

Il est très important de travailler au brouillon. Votre compréhension du texte peut évoluer. Le brouillon permet de se corriger.

► Les questions aident à la compréhension du texte. L’explication détaillée du texte ne peut se contenter de reproduire les réponses aux questions. Celles-ci devront être reformulées pour que l’explication détaillée soit agréable à lire.

 

  1. Analyse du texte

 

  1. Le texte débute par un titre : « Le philosophe des sciences ».

D’un premier abord ce titre est énigmatique car on peut imaginer plusieurs hypothèses, la première qui nous vient à l’esprit étant qu’il pourrait annoncer le thème du texte. Mais l’auteur peut également penser à un philosophe des sciences en particulier. Pour l’instant on ne sait pas.  Ce n’est qu’en lisant le texte dans son ensemble que l’on pourra expliquer l’intention de M. Serres. 

  1. Le texte s’ouvre sur une série de questions. Repérez dans le texte les similitudes et les répétitions dans l’ensemble des questions. Quelle est l’intention de l’auteur lorsqu’il utilise de tels effets de style ?
  2. Première question – Reformulez plus simplement la question posée. Pourquoi l’auteur éprouve-t-il le besoin de faire une longue énumération ? Interprétez cette énumération, quel est le point commun de tous ces exemples ?  Expliquez l’expression « ennemi objectif commun ».
  3. Expliquez la deuxième question : « Qui, au-delà des personnes, privées ou publiques ? ». Quelles distinctions fait l’auteur ? Pourquoi ?
  4. Expliquez la troisième question. Pourquoi l’auteur fait-il ici allusion aux énormes métropoles ? (il peut être utile d’aller chercher dans un dictionnaire la définition d’une métropole)
  5. Quatrième phrase : Quelle est dans le texte la fonction de cette phrase qui suit ces trois questions ? Essayez de comprendre la construction de la phrase. Quelle est la fonction des « : » dans la phrase ? Que dénonce M. Serres dans cette phrase ?
  6. Cinquième phrase :  Repérez la répétition. Quelle est l’intention de M. Serre ? Pourquoi fait-il ici allusion à Descartes ?
  7. Sixième phrase : Selon M. Serres le rapport de l’homme au monde est-il différent selon que l’on se place d’un point de vue scientifique ou philosophique ou d’un point de vue industriel ? Que veut-il suggérer lorsqu’il écrit « la science dite désintéressée » ?
  8. Septième phrase : Expliquez (en faisant le lien avec la phrase précédente) : « La maîtrise cartésienne redresse la violence objective de la science en stratégie bien réglée. » A qui à quoi la science cartésienne fait-elle violence ?
  9. Huitième phrase : analysez le sens de cette phrase qui conclut le texte. Quelle est la fonction d’une conclusion ? essayez de mettre en relation cette phrase avec tout ce qui précède. Comment cette phrase permet-elle d’éclairer tout ce qui précède ?

 

  1. Synthèse :

Je dégage :

  • Le thème du texte
  • Le problème soulevé par le texte (que je formule sous la forme d’une question se terminant par un point d’interrogation)
  • La thèse du texte
  • Le plan (problématique) du texte. Je n’oublie pas de préciser rigoureusement le découpage du texte (I° Partie -ligne x à ligne y- je formule l’idée importante contenue dans cette partie en une phrase).

Ces éléments me serviront à rédiger l’introduction (sans oublier l’annonce de la discussion).

 

  1. Commentaire ou discussion

Je soulève une question pour ouvrir une discussion sur la thèse du texte.

Le jour de l'épreuve u baccalauréat il n'est pas nécessaire de faire suivre l'explication de texte d'une discussion critique.

 

LA REDACTION

Une fois que le travail au brouillon est terminé (l’introduction doit être rédigée au brouillon, ce qui permet de vérifier qu’elle respecte bien les consignes données), je rédige mon explication détaillée suivie de la discussion.

Je dois veiller à bien mettre à jour les relations logiques entre les phrases pour ne pas me contenter d’empiler les phrases. Le plan de mon explication s’organise en plusieurs parties qui correspondent aux parties du texte.

Je vérifie que je ne me contente pas de paraphraser le texte.

■ La discussion : je rappelle la thèse de l’auteur avant de la discuter, soit pour contester, soit pour la développer. 

Je pense à faire une conclusion. La conclusion fait le point sur ce qui a été dit d’important dans l’explication et dans la discussion, et qui doit rester en mémoire dans l’esprit du lecteur. Elle n’est pas un résumé de tout ce qui précède. Elle n’a pas besoin d’être très longue.

 

► Pour travailler intelligemment avec internet :

Lorsque vous utilisez et citez internet précisez toujours votre source : la référence du site, l’auteur, de la même façon que vous le faites avec un livre.

►● Vous pouvez aller sur Youtube voir la petite vidéo (3mn 40) qui présente le propos de Michel Serres dans son ouvrage, Le Contrat naturel : https://youtu.be/o2kQmKhETo8?feature=shared (titre de la vidéo Michel Serres, Le contrat naturel (un exemple en 3 minutes), Nature et technique, Bac philo).

Sur France culture,

►● Regarder l’excellent documentaire édité par l’Université de Paris sciences et Lettres « Maîtres et possesseurs de la nature, les racines de l’anthropocène », ce qui vous permettra de mieux comprendre la référence à Descartes et surtout à comprendre les enjeux du texte pour nourrir la discussion : https://youtu.be/ZyC_9gFn3oM?feature=shared

Rédigé par A. L

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P
Bonjours madame, devons nous sauter une ligne à chaque phrase que l’on explique ou on découpe notre explication en deux parties comme le texte ?
Répondre
A
Bonjour, le plan de l'explication de texte doit correspondre au plan du texte.
T
Bonsoir Madame, <br /> on aimerait savoir de quoi on parle quand on dit ennemi objectif commun, on parle de la Nature et l'Homme qui ont un objectif commun, ou les deux sont ennemis la Nature et l'Homme et ça serait leurs objectif commun ? <br /> De plus personne privé et publique, la différence c'est que une personne publique dépend de l'Etat?<br /> Et la simplexe des voies, ça définit les trains, transport et la pollution?
Répondre
A
- 1) On peut penser qu'il s'agit d'un ennemi commun à l'homme et à la nature désormais. Tout le problème du texte est d'essayer d'identifier cet ennemi commun. <br /> - 2) Il faut prendre le mot "personne" dans son sens juridique. Est-ce que cet ennemi serait une personne privée comme part exemple une industrie qui serait particulièrement polluante et qui serait donc qui serait donc responsable de la destruction de la nature et de dommages causés aux hommes ( on pourrait prendre comme exemple Monsanto) ou est-ce que cet ennemi serait un État en particulier (personne publique,comme par exemple Les États-Unis ou la Chine qui sont les États les plus pollueurs de la planète ? <br /> -3) Ce n'est pas nécessaire d'entrer dans le détail du texte pour ce qui est de la description des métropoles : les grandes métropoles génèrent de la pollution du fait de la très forte concentre de population et d'activités( dont les les transports), ici ce qui est intéressant dans la question c'est que Michel place "l'ennemi" "au-delà" des grandes métropoles : les grandes métropoles ne sont que la conséquence du projet technicien que dénonce Michel Serres.
R
Dans la méthode il est écrit que le texte est un fragment et qu'il y a une UNITE c'est quoi?
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A
Cela signifie simplement que contrairement à un extrait qui est une partie d'un texte, le texte donné à expliquer est une totalité avec un début et une fin.
L
Dans le texte 1, peut on dire que M.Serres est méprisant et opte pour un ton ironique lorsqu'il cite Descartes ? Ce qui permet a M.Serres de monter son désaccord avec celui ci.
Répondre
A
Non , on ne peut pas dire que Michel Serres est méprisant ou ironique à l'égard de Descartes. Michel Serres connaît bien la pensée de Descartes et il la respecte. Par contre on peut dire qu'il est critique (dans le sens que nous avons vu en cours) à l'égard de cette pensée : il examine la signification et la valeur du projet technicien de Descartes (je te renvoie à l'extrait du Discours de la Méthode, VI° partie). <br /> Descartes était absolument sincère lorsqu'il pensait que le progrès des sciences et des techniques serait bénéfique à l'humanité. C'était un homme du XVII° siècle confronté aux problèmes de son époque. <br /> La critique de Michel Serres consiste dans la thèse que ce projet technicien (être "comme maître et possesseurs de la nature) que Michel Serres résume dans les deux mots "maîtrise et possession", qui fait de la nature une chose à la disposition de l'homme, contient en germe la destruction de la nature dont nous subissons aujourd'hui les conséquences. En cela Michel Serres rejoint la thèse sur la technique développée par Martin Heidegger.
R
La science dites désintéressé c’est faire des sciences pour faire des sciences ? Est ce que dcp elle devient inutile ?
Répondre
A
La science "désintéressée" c'est la science qui vise simplement la vérité: il s'agit d'expliquer et de comprendre les phénomènes de la nature pour le plaisir de connaître. Dire que la science est "inutile", ou qu'elle ne servirait à rien, n'est pas tout à fait juste car elle permet à l'homme de développer son humanité. Elle "ne sert à rien" dans le sens où une avancée scientifique ne débouche pas comme aujourd'hui sur une application pratique ou technique. Dans l'Antiquité l'économie reposait sur l'esclavage, au moyen-âge l'économie reposait sur le servage, il n'était pas encore nécessaire de mettre au point des outils et des machines permettant d'augmenter la productivité du travail. Au XVII° siècle, la science moderne devient "intéressée" : il s'agit de comprendre les phénomènes de la nature mais aussi d'en tirer des applications techniques qui permettront de satisfaire efficacement les besoins des hommes. Avec l'avènement du capitalisme, le progrès des sciences et des techniques se détourne de la satisfaction des besoins humains pour rechercher avant tout la puissance.