Explication de texte : Jürgen Habermas, La technique et la science comme « idéologie », (1968)

Publié le 10 Janvier 2024

This is a gift. This is a gift Project © David Bart

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Au lieu de traiter la nature comme un objet dont il est possible de disposer techniquement, on peut aller à sa rencontre comme à celle d’un partenaire dans une interaction possible. On peut rechercher la nature fraternelle au lieu de la nature exploitée. Au niveau d’une intersubjectivité encore incomplète, nous pouvons prêter aux animaux et aux plantes, même aux pierres, une certaine subjectivité et communiquer avec la nature au lieu seulement de la travailler sans la moindre communication. Et l’idée qu’il y a dans la nature une subjectivité encore enchaînée qui ne pourra pas être délivrée avant que la communication des hommes entre eux ne soit libre de toute domination – cette idée a conservé un attrait tout à fait particulier, pour ne pas dire plus. Ce n’est que si les hommes communiquaient sans contrainte et si chacun pouvait se reconnaître en l’autre que l’espèce humaine pourrait peut-être reconnaître en la nature un autre sujet – non pas, ainsi que le voulait l’idéalisme, reconnaître cette nature comme son Autre, mais se reconnaître elle-même comme l’Autre de ce sujet.

Jürgen Habermas, La technique et la science comme « idéologie », (1968)

Rédigé par A. L

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K
Bonjour madame,<br /> <br /> Est ce qu’il serait possible de m’aiguiller pour les phrases 4 et 5 s’il vous plaît ? Je ne comprend pas bien les notions de “subjectivité encore enchaînée” et ce que l’auteur désigne lorsqu’il écrit “l’Autre”. <br /> <br /> Cordialement,<br /> <br /> Maxence Kilien.
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A
- 1°) Jusqu'à aujourd'hui la philosophie (occidentale) pensait le réel à partir d'une opposition entre un sujet (l'homme) et un objet (la nature définie comme tout ce qui est extérieur à l'homme). L'objet est par définition manipulable par le sujet, c'est un moyen qui permet à ce dernier de réaliser ses fins. Alors que le sujet possède une valeur intrinsèque : il est une fin en soi, ce qui signifie que l'on ne doit pas (c'est immoral) utiliser un sujet (un être humain) comme un moyen pour parvenir à ses fins. <br /> Ce texte propose de construire une nouvelle relation avec la nature : de ne plus la considérer comme un objet manipulable, mais comme un "partenaire", c'est-à-dire de la placer dans une relation d'égalité et de réciprocité avec l'homme (le sujet). Pour réaliser cette égalité, on ne peut pas abaisser l'homme au rand d'objet, donc il va falloir élever la nature à la qualité de sujet, qualité qu'elle ne possède pas encore car la nature est encore "enchaînée" par les représentations que nous avons de la nature, représentations héritées du XVII° siècle (je te renvoie au texte de Descartes qui écrit que l'homme est désormais "comme le maître et le possesseur de la nature"). <br /> -2) La dernière phrase est difficile. Il faut remarquer que le mot "autre" est écrit de deux façons différentes : sans majuscule "autre" (l'autre sujet : celui qui n'est pas moi) et avec une Majuscule : "Autre". J'aurai tendance à penser que la majuscule vise à insister sur l'altérité. Pour la philosophie idéaliste du XIX° cette altérité est irréductible, ce qui explique que l'homme doit se protéger d'une nature qui peut être hostile et inhospitalière. Aujourd'hui les choses ont changé. L'homme n'a plus a se protéger de la nature mais il doit protéger la nature de lui-même. Dans la dernière phrase, il semblerait (c'est ainsi que je comprends le texte) que Jürgen Habermas insiste sur la nécessaire complémentarité qui doit exister entre l'homme et la nature (son Autre") : l'homme ne peut exister sans cet Autre.