Explication de texte dirigée : R. Descartes, Discours de la méthode

Publié le 27 Octobre 2022

[Photographie Impossible Installations ©Synchrodogs]

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Sitôt que j’ai eu acquis quelques notions générales touchant la physique, et que, commençant à les éprouver en diverses difficultés particulières (1), j’ai remarqué jusques où elles peuvent conduire et combien elles diffèrent des principes dont on s’est servi jusqu’à présent (2), j’ai cru que je ne pouvais les tenir cachées sans pécher grandement contre la loi qui nous oblige à procurer autant qu’il est en nous le bien général de tous les hommes.
Car elles m’ont fait voir qu’il est possible de parvenir à des connaissances qui sont fort utiles à la vie, et qu’au lieu de cette philosophie spéculative (3) qu’on enseigne dans les écoles, on peut en trouver une, pratique, par laquelle, connaissant la force et les actions (4) du feu, de l’eau, de l’air, des astres, des cieux et de tous les autres corps qui nous environnent, aussi distinctement que nous connaissons les divers métiers de nos artisans, nous les pourrions employer en même façon à tous les usages auxquels ils sont propres, et ainsi nous rendre comme maîtres et possesseurs de la nature.
Ce qui n’est pas seulement à désirer pour l’invention d’une infinité d’artifices (5) qui feraient qu’on jouirait sans aucune peine des fruits de la Terre et de toutes les  commodités qui s’y trouvent, mais principalement aussi pour la conservation de la santé, laquelle est sans doute le premier bien et le fondement de tous les autres biens de cette vie ; car même l’esprit dépend si fort du tempérament et de la disposition des organes du corps, que s’il est possible de trouver quelque moyen qui rende communément les hommes plus sages et plus habiles qu’ils n’ont été jusqu’ici, je crois que c’est dans la médecine qu’on doit le chercher (6).

 

R. DESCARTES, Discours de la méthode (1637)

Notes

(1) Difficultés particulières : Descartes fait allusion ici à des problèmes scientifiques en optique, problèmes dont la résolution à la découverte par Descartes des lois de la réflexion et de la réfraction de la lumière, connues aujourd’hui sous le nom de loi de Snell-Descartes.

(2) Descartes fait allusion aux principes de la physique  telle quelle était enseignée à l'université à son époque, lesquels reposaient uniquement sur les saintes écritures.

(3) Spéculative : théorique. Allusion à l’enseignement dispensé à l’époque à l’université.

(4)  Les actions : les effets

(5) Artifices : il s’agit ici des machines résultant de l’application du savoir.

(6) Il peut être intéressant de savoir que R. Descartes était de santé fragile.

Méthode : Comment travailler ce texte ?

 

1° Étape : La lecture du texte

 

J'essaie de dégagez la structure d'ensemble du texte :

- le thème (De quoi parle le texte en général ? Il s'agit de trouver un mot ou une expression qui concerne l'ensemble du texte et pas seulement une partie du texte.)

- le problème posé par le texte ( Le problème doit porter sur le thème du texte ; je formule le problème sous la forme d'une question.)

- la thèse du texte (La thèse est la réponse apportée au problème. Elle est le point de vue de l'auteur sur le thème du texte.)

- le plan du texte ( Je découpe le texte en parties. Chaque partie doit contenir une idée distincte que je résume en une phrase. J'indique précisément mon découpage : de la ligne x à la ligne y.)

Pour l'instant cette première proposition de lecture du texte n'est qu'une hypothèse de travail que je vais maintenant vérifier en faisant une explication linéaire et détaillée du texte. Il sera donc peut-être nécessaire de corriger cette première hypothèse de lecture. D'où l'importance de travailler au brouillon.

2° Étape : L'explication linéaire et détaillée du texte.

Le verbe expliquer vient du latin "explicare" qui signifie "déplier". C'est de cela dont il s'agit ici. Il s'agit de "déplier" la pensée d'un auteur sans la trahir. Ce texte à expliquer est comme une boule de papier froissé que l'on mettrait à plat, l'explication mettant en lumière ce qui se cachait dans la pliure du texte.

Il y a trois écueils à éviter :

- Il faut éviter de paraphraser le texte, le répéter sans l'approfondir - sans effectuer ce travail de dépliage - dans ce cas l'explication reste très superficielle, et généralement le texte n'est pas compris.

- Il faut éviter de trahir ou de tordre le texte en lui faisant dire ce qu'il ne dit pas. C'est généralement ce qui se passe lorsque le texte vous donne à penser, dans ce cas vous n'exposez pas la pensée de l'auteur mais votre propre pensée.

- Vos connaissances sont au service du texte, ce n'est pas le texte qui est au service de vos connaissances.

L'explication suit strictement l'ordre d'exposition du texte. Elle est linéaire. Un texte de philosophie est une démonstration rigoureuse; il faut donc respecter l'ordre d'exposition des arguments de l'auteur ainsi que la logique de raisonnement. Attention de ne pas céder à la tentation de réécrire le texte.

Apprendre à faire une explication de texte c'est d'abord apprendre à questionner un texte. C'est le but de cet exercice. Vous devez portez une attention particulière aux questions posées car par la suite ce sera à votre tour de trouver les bonnes questions à poser au texte.

Explication linéaire et détaillée du texte :

 

Ce texte est composé de trois phrases  très longues (une phrase commence par une majuscule et se termine par un point). Il faut procéder méthodiquement.

Pour pouvoir répondre aux questions et expliquer le texte précisément vous avez besoin de vous placer dans la contexte culturel du XVII° siècle. Ce qui montre qu'on ne peut expliquer un texte sans un minimum de connaissances. Vous avez besoins de repères pris dans l'histoire des sciences et plus particulièrement dans l'histoire de la physique. Il existe des présentations dans des encyclopédies que vous trouverez sans difficulté. 😊

 

Phrase 1 : Sitôt que j’ai eu acquis quelques notions générales touchant la physique, et que, commençant à les éprouver en diverses difficultés particulières (1), j’ai remarqué jusques où elles peuvent conduire et combien elles diffèrent des principes dont on s’est servi jusqu’à présent (2), j’ai cru que je ne pouvais les tenir cachées sans pécher grandement contre la loi qui nous oblige à procurer autant qu’il est en nous le bien général de tous les hommes.
 

- Il faut remarquer l'emploi de la première personne du singulier dans ce texte : "j'ai ...J'ai ...j'ai...". Comment interpréter la répétition de l'emploi du "je" ?

- A quelle conception de la physique, Descartes fait-il allusion ici ?

- La physique à laquelle Descartes fait allusion était-elle la physique communément enseignée à l'université à son époque ?

- Chercher un synonyme du verbe "éprouver" afin d'en préciser le sens.

- A quelles "difficultés particulières" Descartes fait-il allusion ? 

- A quels résultats ont conduit les recherches de Descartes ? En quoi ces résultats diffèrent-ils des "principes dont on s'est servi jusqu'à présent" ?

- Pourquoi Descartes a-t-il dû dans un premier temps cacher ses travaux ?

- A quelle "loi" se réfère-t-il pour justifier son changement d'attitude et la publication de ses travaux ? (attention de ne pas paraphraser le texte) ?

 

Phrase 2 : Car elles m’ont fait voir qu’il est possible de parvenir à des connaissances qui sont fort utiles à la vie, et qu’au lieu de cette philosophie spéculative (3) qu’on enseigne dans les écoles, on peut en trouver une, pratique, par laquelle, connaissant la force et les actions (4) du feu, de l’eau, de l’air, des astres, des cieux et de tous les autres corps qui nous environnent, aussi distinctement que nous connaissons les divers métiers de nos artisans, nous les pourrions employer en même façon à tous les usages auxquels ils sont propres, et ainsi nous rendre comme maîtres et possesseurs de la nature.

- Quelle la relation logique entre la phrase 1 et la phrase 2 énoncée par l'adverbe "Car"?

- Quelle opposition structure cette phrase ?

- Descartes défend-il une conception désintéressée de la science ? (relever dans le texte les termes qui viennent à l'appui de votre réponse)

- Quelle est dans ce texte, pour Descartes,  la finalité  de la science ? A quelle conception de la science s'oppose-t-il ?

- Pourquoi Descartes éprouve-t-il le besoin de faire un parallèle avec les métiers des artisans ?

- Expliquer de la façon la plus précise possible l'expression  " comme maîtres et possesseurs de la nature". De la même façon que Descartes envisage un nouveau rôle pour les sciences de la nature, la nature prend au XVII° siècle une nouvelle signification. Laquelle ? 

 Phrase 3 : Ce qui n’est pas seulement à désirer pour l’invention d’une infinité d’artifices (5) qui feraient qu’on jouirait sans aucune peine des fruits de la Terre et de toutes les  commodités qui s’y trouvent, mais principalement aussi pour la conservation de la santé, laquelle est sans doute le premier bien et le fondement de tous les autres biens de cette vie ; car même l’esprit dépend si fort du tempérament et de la disposition des organes du corps, que s’il est possible de trouver quelque moyen qui rende communément les hommes plus sages et plus habiles qu’ils n’ont été jusqu’ici, je crois que c’est dans la médecine qu’on doit le chercher (6).
 

- Sur quel usage des progrès des sciences et des techniques Descartes insiste-t-il dans cette partie ? Quels termes ou expressions marquent son insistance dans le texte ?

- Pourquoi "la conservation de la santé ... [est-elle] sans doute le premier et le fondement de tous les autres biens de cette vie" ? Quel sens a le mot "biens" dans cette phrase ?

- Quelle est dans cette phrase la finalité du  progrès des sciences et des techniques ? En quoi cela oriente-t-il l'interprétation que l'on pourrait faire de l'expression "comme maîtres et possesseurs de la nature" ?

- Peut-on voir dans la pensée de Descartes une préfiguration de l'idéal des Lumières du XVIII° siècle ?

 

 

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3° Étape : la rédaction

 

Maintenant que j'ai terminé mon explication linéaire et détaillée du texte, je vérifie ma première hypothèse de lecture : thème, problème, thèse, plan du texte.

Je rédige l'introduction de mon explication :

Dans l'introduction, après une très brève amorce qui introduit mon propos, j'annonce (en respectant l'ordre donné) :

- le thème

-le problème

- la thèse

- le plan du texte

-je soulève une question posée par la thèse du texte qui ouvre une discussion.

 

Au propre mon travail s'organise ainsi :

-L'introduction

- L'explication de texte organisée en fonction du plan du texte (c'est à dire que la première partie de mon explication correspond à la première partie du texte, la deuxième partie de mon explication correspond à la deuxième partie du texte, ...etc.)

- une courte discussion en deux ou trois parties : A. Je rappelle la thèse du texte. B. J'expose le problème qu'elle soulève. C. Je tente de résoudre ce problème (si je le peux).

Remarque : le jour du baccalauréat, la discussion de la thèse n'est plus considérée comme absolument nécessaire. Mais tout au long de l'année il vaut mieux s'y astreindre cela permet de mobiliser ses connaissances.  

- Une (courte) conclusion qui porte à la fois sur l'explication et la discussion.

Rédigé par A. L

Publié dans #Descartes, #Discours de la méthode, #science, #technique

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